Botanique

La catastrophe des Andrans

En 1897, la catastrophe des Andrans a causé beaucoup de dégâts et modifié le paysage. Cette catastrophe fut relatée dans :

– « Le Petit Journal » du 05 avril 1897 (article disponible ci-dessous)

– « L’Industriel Savoisien » du 10 avril 1897 (article disponible ci-dessous)

1. « LE PETIT JOURNAL » DU LUNDI 5 AVRIL 1897

EN SAVOIE : LA CATASTROPHE DE MANIGOD

(Dépêche de notre correspondant)
Annecy, 4 avril, 6 h 30 soir.

La nouvelle de la catastrophe de Manigod m’est parvenue hier soir à huit heures.

Ce matin à cinq heures, par une pluie battante, je m’y suis transporté. Le temps est épouvantable. Tout le long de la route ce ne sont que des champs submergés. L’eau coule de tous côtés, et les plus petits filets d’eau sont transformés en gros ruisseaux.
J’arrive à Thônes à huit heures. Là, je suis obligé de changer de voiture car les chevaux sont fatigués. Deux nouveaux chevaux me transportent à Manigod. Il me faut deux heures pour parcourir la forte montée de Thônes à Manigod, pour arriver aux lieux de la catastrophe.
En même temps que moi arrivent le secrétaire général de la Haute-Savoie, M. Schoendoerefer, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, M. Desroche, ingénieur ordinaire, M. Perillat, conseiller d’arrondissement du canton de Thônes, M. Aimé Veyrat, adjoint au maire de Manigod.
Nous arrivons au pied de la coulée de boue. Devant nous le torrent s’allonge sur deux kilomètres jusqu’à l’origine de la catastrophe.

Le lit, qui était très encaissé et dont les berges étaient boisées, est maintenant nivelé par une masse de boue qui, à certains endroits, atteint une prodigieuse hauteur. Le torrent se perd dans cette boue qui continue à avancer lentement.

Les ruines

La première maison détruite est une scierie qui était située à 4 kilomètres du chef-lieu de Manigod, en montant, c’est-à-dire en face du village de Coriaz.
Cette scierie appartenait à M. Joseph Veyrat-Durbex.
Nous arrivons ensuite près de l’emplacement qu’occupait le pont du nant Borrient.
Ce pont, qui était élevé de dix mètres au-dessus du lit, a été emporté.
La scierie de M. Pierre Bozon-Leydier, maire de Manigod, ainsi que le moulin de M. Pierre Sonnier, qui étaient situés près de ce pont, ont disparu.
Nous montons toujours, et notre guide nous montre l’emplacement du moulin d’Emmanuel Rouge-Pullon, ainsi que les traces d’un grenier de Joseph Maniglier.
A environ 300 mètres plus haut, au lieu-dit Vers-les-Nants, sur la rive droite, nous voyons les ruines d’une importante maison appartenant à M. Joseph Maniglier. Cette maison avait été reconstruite, car l’ancienne avait été emportée, il y a vingt-trois ans, par les débordements du torrent. Nous ne pouvons aller plus haut, car les champs sont transformés en véritables mares.

La pluie tombe toujours d’une façon désespérante et nous enfonçons tous dans la boue.

Du reste le lieu d’origine de la catastrophe est très visible. A un kilomètre en avant de nous, le nant Borrient que nous venons de parcourir se divise en deux branches, celle de gauche en montant est nommée nant de la Croix-Furiez, celle de droite nant de Landran. La partie comprise entre ces deux branches forme un mamelon de 200 mètres de hauteur, au sommet duquel se trouvait le hameau de Landran.

C’est au-dessous de ce hameau que l’éboulement s’est produit. Toutes les maisons ont été emportées avec l’éboulement.

La catastrophe s’est produite samedi matin vers cinq heures.

M. Claude Fillion, qui habite sur le côté opposé du torrent l’ayant le premier aperçue donna aussitôt l’alarme et put prévenir assez tôt les habitants de l’Andran qui s’enfuirent, après avoir sauvé le bétail.

C’est ainsi qu’il n’y eut aucune victime.

Le glissement

Le glissement s’est produit avec une vitesse de 40 centimètres à la minute. Il a duré toute la journée de samedi. Sur un parcours de 2 kilomètres, c’est un véritable chaos de boue, d’arbres, de pans de maisons et de bois.

Un léger éboulement s’était déjà produit dans la journée de vendredi, mais les habitants n’y avaient attaché aucune importance.

Outre les maisons détruites, de véritables forêts de sapins ont été emportées et une quantité immense de terrains de culture a été recouverte par la boue.
Toutes ces terres resteront improductives.

Les pertes sont énormes. Il est difficile de les évaluer actuellement.

A la première alerte, toute la population de Manigod s’est transportée sur les lieux pour porter secours dans la mesure du possible.
Lors de mon passage, de nombreuses équipes d’hommes de bonne volonté rivalisent de zèle pour sauver les épaves et arracher à la boue le plus de débris possible.
Les habitants sont absolument consternés, car ils craignent une seconde catastrophe.
Les riverains du torrent déménagent. Les bois ont formé barrage au confluent du Borrient et du Fier et ont ainsi retenu les terres d’éboulement.
Il est à craindre qu’au moment où ce barrage viendra à se rompre, ces terres ne se précipitent dans la vallée du Fier et ne viennent causer des dégâts à la ville de Thônes.

Le lieu d’origine de l’éboulement est composé d’une couche de terre végétale de 80 centimètres d’épaisseur sous laquelle se trouve une couche d’argile de 2 mètres d’épaisseur. On suppose que cette argile ayant été délayée par les eaux de pluie a glissé en entraînant la couche végétale. L’éboulement s’est produit au sommet sur une largeur de 800 mètres dans le lit du torrent.
La masse de boue a de 100 à 150 mètres de largeur et une hauteur moyenne de 50 mètres.

2. « L’INDUSTRIEL SAVOISIEN » DU 10 AVRIL 1897

Article anonyme.

Au-dessus du village des Endrans se trouve un mamelon, la Montagne des Endrans dont les flancs sont formés d’une couche de terre végétale de 1 mètre environ reposant sur de l’argile. Par suite des pluies de la semaine dernière, la terre, déjà fortement humectée, s’est crevassée, l’eau a pénétré jusqu‘à l’argile, et il s’est ainsi formé une nappe liquide sur laquelle la terre arable n’avait aucun point d’appui.

Aussi dès le vendredi de la semaine dernière, de légers éboulements s’étaient produits, mais les habitants des Endrans n’y avaient attaché aucune importance. Le samedi matin vers 5 heures, Monsieur Claude Fillion s’aperçut que la montagne glissait d’une façon sérieuse : il donna l’alarme au village, si bien que tous les habitants purent s’enfuir, chassant devant eux leur bétail.

Toute la journée du samedi, les terres ont continué à glisser, et après avoir détruit tout le village, se sont jetées dans le Nant Bruyant, torrent qui coule au bas.

Le lit de ce torrent dont les berges sont très encaissées, a été bientôt rempli de ces terres qui se sont changées en une sorte de boue liquide mélangée en outre à toutes sortes de débris, d’épaves et à une forêt de sapins enlevée par l’éboulement.

Toute cette masse qui, à son origine avait une surface de 800 m, après avoir envahi le torrent a atteint une hauteur de 50 mètres, sur 150 mètres de largeur, emportées par la pente du Nant Bruyant qui va se jeter dans le Fier. Elle a tout dévasté sur son passage, enlevant les maisons, les arbres, le pont du Nant Borrien d’une hauteur de 10 mètres, recouvrant la terre labourable.

Au confluent du Nant Bruyant et du Fier, les bois ont formé un barrage et empêché d’avancer la lave et les épaves.

On craignait que samedi ce barrage ne fût forcé et que le lit du Fier une fois envahi, ce nouveau torrent n’allât causer des ravages considérables dans la vallée de Thônes même.

La catastrophe a détruit le village de l’Endran en entier, soit les maisons de J.M. Thevenez, Jean Accambray, François Rouge-Potasson, Bernard Potasson, Mme veuve Françoise Fillion, Germain Paulet.

Le Nant Bruyant a emporté la maison et plus loin le grenier de Monsieur Joseph Maniglier, le moulin de M. Emmanuel Rouge- Pullon, celui de M. Pierre Sonnier, la scierie de M. Pierre Rozon- Leydier, maire de Manigod, et enfin la scierie de M. Joseph Veyrat-Durebex.

Les dégâts sont évalués à 400 000 francs. Dimanche matin se sont rendus sur les lieux : MM. Droz, secrétaire général de la Préfecture, Schoendorffer, ingénieur en chef, Desroches, ingénieur ordinaire, Cuillery, conseiller général du canton de Thônes, Périllat, conseiller d’arrondissement. Toutes les populations environnantes ont accouru sur les lieux de la catastrophe et ont fait de leur mieux pour arracher au torrent les quelques épaves qui surnageaient dans la boue.

Des Roches qui n’ont rien à faire ici… Mais heureusement qu’elles sont là !

En effet, leur présence et la manière dont elles se disposent nous aident à comprendre l’orogenèse[1] à l’échelle du massif des Bornes-Aravis, et, plus généralement, des Alpes en général. Il s’agit des roches sédimentaires qui constituent la montagne de Sulens.

Il y a quelques semaines, paraissait sur notre blog une photographie prise par Florence Baud-Grasset, qui m’a permis de la revêtir de quelques traits facilitant son interprétation. Judicieusement pris depuis les Bauges orientales, donc avec un recul significatif, ce cliché montre fort bien la position du Sulens dans le contexte de notre massif.

Cette montagne, bien individualisée, est une klippe, c’est-à-dire un vestige des nappes de charriage qui sont venues se superposer aux roches autochtones, celles qui constituaient notre massif lors de leur émersion de l’océan alpin (croquis 1).

Pour illustrer ce mécanisme, on peut emprunter une image à l’art culinaire. Imaginons un marmiton qui prépare une tarte à la viande. Il commence par disposer un fond en pâte feuilletée dans un récipient. Son maître observe qu’il ne l’a pas étalée correctement. Il l’a serrée, la froissant en des ondulations qui dessinent des creux et des bosses. L’apprenti, trop pressé et peu méthodique, dépose sur un bord du récipient le hachis dont il veut garnir le fond de tarte. Au lieu de la répartir convenablement, il l’étale irrégulièrement d’un grand coup horizontal de sa spatule. Mécontent, le chef cuisinier lui ordonne de racler le hachis et de recommencer complètement ses opérations. L’élève s’exécute, et reprend sa spatule pour ôter la garniture. Mais entre temps, la pâte disposée au fond du moule s’est durcie, et ses ondulations se sont fixées. Si le hachis part bien lorsqu’il est situé sur un pli en bosse, il en reste au fond de ceux qui dessinent des creux. Transposons cette scénette dans le domaine de la tectonique alpine.

Dans les ondulations de la pâte, les bosses sont des anticlinaux et les creux, des synclinaux. Le hachis, ce sont les nappes de charriage. La spatule figure l’érosion. Celle-ci est beaucoup plus efficace sur les anticlinaux qui, du fait de leur élévation et de leurs formes convexes, lui sont vulnérables. Les synclinaux sont bien mieux immunisés. Bien sûr, il en va de même pour les matériaux charriés qu’ils supportent. En revanche, ceux-ci ont trouvé dans la concavité des synclinaux une topographie qui les abrite des forces érosives : ruissellements, alternances gel -dégel, abrasion des glaciers, etc (croquis 3). C’est un peu comme une application des Saintes Ecritures : « quiconque s’abaisse sera élevé, quiconque s’élève sera abaissé ». Dans cette logique, les anticlinaux ont eu le tort de s’élever, et les synclinaux ont été bien inspirés de s’abaisser. C’est pourquoi les premiers sont fréquemment éventrés en combes, alors qu’il n’est pas rare de retrouver les seconds en situation perchée par rapport à celles-ci [2]. Mais revenons aux nappes de charriage. Leurs parties qui sont venues s’échouer à l’emplacement des synclinaux ont trouvé en eux des niches protectrices contre l’érosion (croquis 2 et 3). Leurs vestiges ne sont autres que les klippes telles que celle qui constitue la Montagne de Sulens (croquis 3). Elle se trouve confortablement installée dans la conque formée par le grand synclinal qui s’étire du Reposoir à Serraval, dont la chaîne des Aravis n’est autre que le bord oriental, alors que l’alignement allant du Bargy au Suet et se prolongeant par le Mont Lachat des Villards, le Grand Biollay et Cotagne, forment le bord opposé (photo légendée).

D’où proviennent les roches charriées, et comment ont-elles été déplacées jusqu’à se trouver aux emplacements occupés par les vestiges qu’elles nous ont laissés ?

Elles sont originaires de la partie interne de l’arc alpin, à l’est du massif cristallin du Beaufortain. Donc, elles ont été poussées dans le sens est-ouest, selon une composante tangentielle, c’est-à-dire selon une ligne grossièrement tangente par rapport à la surface terrestre. En effet, lorsqu’on évoque la formation des Alpes, on évoque immédiatement la dimension verticale, avec la fameuse expression de « soulèvement alpin ». Mais celui-ci est une résultante de forces très complexes qui ont affecté l’écorce terrestre. Les principales, les forces majeures, celles qui ont été véritablement motrices, se sont exercées selon une dimension horizontale. Si l’on se réfère à la théorie de la tectonique[3] des plaques continentales, celle qui supportait le continent européen actuel s’est glissée en un mouvement tangentiel sous la plaque dite « africaine ». Sous les contraintes ainsi créées, les sédiments formés dans les étendues marines et océaniques, coincés entre les deux plaques, se sont plissés (croquis 1) en donnant, entre autres, les classiques ondulations anticlinales et synclinales. L’océan alpin, bousculé, s’est retiré. À sa place, ont émergé des chaînes que les géologues appellent « subalpines » et les géographes « préalpines », (dont les Bornes-Aravis) d’où des confusions possibles dans leurs appellations respectives.

Par-dessus les plis préalpins, sont arrivées les fameuses nappes de charriage venues de l’est (croquis 1). C’est pourquoi, en exagérant un peu, on peut dire, en se plaçant du point de vue local, qu’elles « n’ont rien à faire ici », un peu comme si les calcaires, les marnes, les grès et les flyschs de notre massif, tous autochtones, s’étaient fait envahir et submerger par des nappes étrangères, d’origine lointaine.

Pour illustrer ces processus tectoniques, on peut évoquer une manipulation relativement simple. Supposons qu’une personne étale entre ses deux bras, sur une table bien lisse, un tapis assez souple. Sa main gauche est à l’ouest. Elle rapproche ses bras, qui tiennent ainsi le rôle des plaques continentales. Le tapis se plisse. Si le bras droit, plus fort, accentue son mouvement par rapport au bras gauche, les plis de l’est se gonflent, basculent vers l’ouest, se couchent, et finissent par chevaucher ceux qui s’étaient formés plus sagement de l’autre côté. C’est ce qu’ont fait les nappes de charriage (croquis 1). Mais il ne faut pas distinguer une phase de formation de plis autochtones tout à fait distincte de celle des charriages : les deux processus peuvent avoir été concomitants, de même que l’érosion ne succède pas forcément aux plissements : elle peut les entamer dès leur formation.

[1] Processus de formation des montagnes.

[2] C’est le cas, par exemple, de l’Arclusaz dans les Bauges, du Haut du Seuil en Chartreuse, et de la Forêt de Saou dans la Drôme.

[3] Les forces tectoniques animent l’écorce terrestre. Leur dynamique souple donne des nappes de charriage et diverses formes de plis. Leurs modes cassants dessinent des failles. Les deux styles se combinent fréquemment.

Du point de vue de la disposition des couches, les charriages et les klippes qui en restent, introduisent des anomalies stratigraphiques. En effet, normalement, lorsque l’on entasse des journaux, les plus anciens se trouvent à la base de la pile, et les plus récents au sommet. Dans un océan, il en va de même : les couches les plus récentes se superposent graduellement aux plus vieilles. Mais les nappes de charriage d’un âge donné, formées ailleurs, ayant été poussées par des forces tangentielles, peuvent aller recouvrir des roches plus récentes qu’elles, mises en place selon un ordre d’empilement normal à l’endroit où elles se sont sédimentées.

C’est ce que l’on constate sur les versants de la montagne de Sulens, où les pélites[1] de l’étage du Trias, remarquables par leur couleur pourpre à violacé, se trouvent à des altitudes plus élevées que celles de certaines roches autochtones du Jurassique ou du Crétacé, plus récentes. En fait, la situation est encore compliquée par des inversions, des retournements stratigraphiques non seulement entre roches charriées et autochtones, mais déjà au sein des unités charriées elles-mêmes !

D’un point de vue géomorphologique[2], la montagne de Sulens souffre quelque peu d’une comparaison avec les cimes environnantes taillées dans les calcaires autochtones de l’étage Crétacé, notamment le faciès urgonien qui dresse ses parois abruptes partout ailleurs. Elle paraît plus amorphe que la majestueuse pyramide du Mont Charvin, ou que les dalles inclinées aux bords acérés et redressés de l’Etale. Son altitude de 1839 m est plus modeste que celle des crêtes méridionales des Aravis ou du massif de la Tournette qui s’élèvent à son voisinage. En revanche,sa situation centrale dans le vaste synclinal du Reposoir-Serraval, en fait un belvédère de premier ordre : elle offre une vue à 360 °sur l’ensemble de la partie méridionale des Bornes-Aravis, mieux que d’autres sommets plus élevés mais plus excentrés. Le dégagement de la vue est encore amélioré par la combe annulaire qui l’entoure et la détache du relief autochtone (Cf. la photo légendée). C’est pourquoi cette montagne mérite bien les tables d’orientation judicieusement aménagées à son sommet, pour la satisfaction légitime des randonneurs.

[1] Roches détritiques à texture fine, argileuse, mais consolidées.

[2] La géomorphologie est la science qui étudie les formes du relief de la surface de la Terre, ainsi que leur genèse.

Le croquis 1 ci-dessus donne un très bref aperçu d’une séquence de l’orogenèse alpine, d’après des dessins de Michel Marthaler, professeur émérite de géologie à l’Université de Lausanne, dans son ouvrage intitulé Le Cervin est-il africain ? publié en 2001 à Lausanne aux éditions Loisirs et Pédagogie.

Le croquis 2 est le grossissement de la zone figurant dans un cadre rectangulaire sur le croquis n°1.
Le croquis 3 montre la position logique d’une klippe telle que celle de Sulens,dans la configuration des plis autochtones, compte tenu des points d’application de l’érosion.

Ces trois dessins ne sont qu’une interprétation fort succincte des étapes tectoniques et morphogénétiques des klippes. Les véritables références scientifiques peuvent être trouvées aux pages 120 et 121 de l’ouvrage du Professeur émérite de géologie Jacques Debelmas, de l’Université de Grenoble I intitulé Alpes de Savoie. Il fait partie de la collection des guides géologiques régionaux édités par Dunod (Paris, 2011).

Dans l’édition Masson & Cie de 1970 des Guides géologiques régionaux consacrée aux Alpes de Savoie et du Dauphiné, le même auteur traitait déjà, mais plus succinctement, de la klippe de Sulens.

Sur l’Internet, il est indispensable de consulter le remarquable site www.geol-alp.com du Professeur émérite Maurice Gidon, lui aussi professeur émérite de géologie de l’Université de Grenoble I. La page adéquate est http://www.geol-alp.com/bornes/_lieux_aravis/sulens.html. On y accède par ce lien, ou en cheminant dans les pages suivantes : sections = Bornes, puis visites par localités (lieux). Sur la carte qui s’affiche, cliquer sur le figuré de la montagne de Sulens.

Source : Robert Moutard
Agrégé de Géographie
Docteur en Géographie-aménagement de l’Université Lyon 3

Les Montagnes de Manigod – R. Godefroy – 1921

LES MONTAGNES DE MANIGOD – R.GODEFROY – 1921
« Les Montagnes de Manigod  » (R.Godefroy – Librairie Dardel à Chambéry – 1921)

Le livre « Les Montagnes de Manigod  » (R.Godefroy – Librairie Dardel à Chambéry – 1921) est le 1er livre consacré aux montagnes de Manigod.

Le texte ci-après est une copie aussi fidèle que possible du document originel, en respectant l’orthographe des noms, lieux-dits, et les fautes d’orthographe et grammaire.

Consulter l’ouvrage numérisé (format PDF) : « Les Montagnes de Manigod« 

Un géant emblématique : Le Vargne à Reydet

À 1450 m d’altitude, au bord d’un des chemins de randonnées le plus fréquenté du massif des Aravis menant du pied de l’Aiguille de Manigod au lac du Charvin, se dresse un monumental sapin pectiné.


Cette espèce (Abies Pectinata) est désignée sous le terme vernaculaire de Vargne.

Comme au Moyen Âge le territoire de Manigod dépendait des Reydet, branche aînée des comtes de Vulpillières établis sur le bassin annécien, ce conifère aurait hérité son nom de cette ancienne appartenance nobiliaire. Toutefois, ce lien n’est pas formellement prouvé.

En deux siècles d’existence, ce sapin a pu acquérir une imposante stature : haut de 35 m, il peut compter sur la solidité de sa base, avec une circonférence de 4,6 m, soit un diamètre de 1,5 m mesurés à 1,5 m du sol.

Son âge, ses dimensions, lui valent de figurer en bonne place dans l’ouvrage d’H. Rougier & al., (2016) intitulé Arbres remarquables en Haute-Savoie.

Le Vargne à Reydet serait une icône très pertinente pour Manigod, dont le nom s’explique par l’ancien vocable germanique de «Manigwald», associant «manîg», c’est à dire beaucoup, et «wald», forêt : à traduire par «beaucoup de forêt».

La grande Astrance

La grande astrance ou grande radiaire fait partie des ombellifères.

Elle se reconnait à la finesse de ses fleurs blanches, rosées ou verdâtres réunies en ombelles simples entourées d’une collerette de bractées*, ses feuilles sont divisées en 3 à 7 segments.

Son nom latin « astrantia » lui a été donné au moyen-âge, venant du latin aster qui désigne l’étoile, faisant référence à son ombelle étoilée.

Cette plante herbacée se rencontre dans les plaines ombragées, les bois clairs et en altitude dans les prairies et sous-bois humides.

*bractée : petite feuille généralement différente des autres, à la base d’un pédoncule floral

  • Dimensions : taille plante = 30 à 70 cm, diamètre ombelle = 20 à 35 cm.
  • Floraison : de juin à septembre.
  • Altitude : de 0 à 2000m.
  • Aire de répartition : Alpes, Jura, Massif Central, Pyrénées.

L’Aulp de Fier d’en haut et L’Aulp de Fier d’en bas

Documents d’archives
31 décembre 1882 : achat de la montagne dite de l’Haut de Fier

Le Conseil fait connaître à l’assemblée que la montagne dite de l’Haut de Fier est mise en vente ; que la commune de Manigod peut acquérir cet immeuble qu’elle avait possédée autrefois, et en outre des avantages qui reviendraient à la commune de cette acquisition, elle ferait cesser le nombre de procès-verbaux qui, à peu près toutes les années, résultent de cette montagne sur le terrain communal.

…prie le Conseil de prononcer qu’il entend faire l’achat de la dite montagne, et demande jusqu’à quelle somme il pourrait aller aux enchères.

….Considérant les avantages incontestables qui résultent pour la commune de l’achat de cet immeuble, en fournissant, dans quelques années, un produit toujours assuré, et désirant d’ailleurs de faire cesser les disputes continuelles qui surviennent entre les propriétaires voisins du territoire communal pour le motif indiqué ci-devant… le Conseil à l’unanimité, prie le Maire d’acheter la dite montagne au nom de la commune.

23 mars 1883 /Préfecture de la Haute-Savoie/ autorisation de vente ou d’acquisition par une commune
Le Préfet de la Haute-Savoie…

  • vu la délibération du Conseil municipal de Manigod en date du 31 octobre 1882, et du 4 février 1883, votant l’acquisition au pris de 35 600frs de la montagne dite du Haut de Fier, appartenant à la dame Prévost Marie, veuve de Mr Plantamour Emile,
  • la promesse de vente inscrite le 31 octobre 1882 par Sr Cuillery JF, mandataire de la dame veuve Plantamour
  • le procès-verbal d’expertise dressé le 18 février 1883 par r Gay, maire des Clefs,
    considérant que l’acquisition projetée est avantageuse en ce qu’elle donnera une plus-value considérable aux propriétés communales avoisinantes et enclavées en partie…, Mr le maire est autorisé à passer acte authentique de l’acquisition de la montagne de l’Haut de Fier.

joint acte 7 décembre 1882 constitution mandataire d Mme Plantamour, J F Cuillery, maître d’hôtel à Thônes

2 E 9412 / notaire André à Thônes
29 mars 1883 / n°109 / acquisition de la montagne de l’Haut de Fier

Vente d’immeubles en faveur de la commune de Manigod, représentée par Mr Pierre Accambray, son maire

Prix 35 600

Par devant Mr Barthélémy André, notaire à Thônes, ont comparu,
D’une part :
Mr J.F Cuillery, maître d’hôtel, demeurant à Thônes, agissant en qualité de mandataire de Mme Marie Prévost, veuve de Mr Emile Plantamour, propriétaire, demeurant à Genève, aux termes de procuration du 7 décembre 1882…. (annexé au présent),
D’autre part, Mr Pierre Accambray…, maire du même lieu, propriétaire demeurant à Manigod, agissant en cette qualité, comme chargé de l’exécution d’un arrêté de Mr le Préfet de Haute-Savoie du 23 mars courant,

De Mr Joseph Veyrat-Durebex…, conseiller municipal,

Lesquels comparant ont éxécuté comme suit :

La propriété dénommée montagne de l’Haut de Fier possédée par Mme veuve Plantamour, née Prévost, sur ladite commune de Manigod, contenant chalet, pâturages, lac, bois et rochers de le contenance de 190 ares, 67 ares et 92 centiares, représentée à la Mappe locale, sauf erreur par les n° entiers 9442 9443 9444 9463 9464 9465, et par partie de ceux 9462 9467 94568, et confiné au couchant par la propriété de Claude Avettand-Fenoêl, au nord par la commune d’Ugine et des autres côtés par celle de Manigod

Origine de la propriété

Mme Plantamour se trouve propriétaire des immeubles dont il s’agit, tant en sa qualité d’héritière pour une moitié de Mr Louis Alexandre Prévost, son père, que pour s’être attiré, par acte du 10 mai 1870, aux minutes du notaire soussigné, les droits de Mme Amélie Prévost, épouse de Mr…, sa sœur, et sa cohéritière pour l’autre moitié de la succession paternelle.

Ces immeubles étaient parvenus à Mr Prévost, en vente que lui en avait faite Mr le Baron Antoine François Auguste Saladin, de Genève, par acte du 15 avril 1850 (Mtre Perreard, notaire à Annemasse), et en vertu d’un acte d’échange passé avec la commune de Manigod le 18 juillet 1863, devant Mtre Bailly, notaire à Annecy),

Enfin, ces immeubles avaient donné lieu à une délimitation intervenue entre Mr Prévost, la commune de Manigod et le sieur Avettand-Fenoël, du même lieu, réglé par procès-verbal du 4 novembre 1852.

Prix : la présente vente a été consentie pour le prix de 35 600frs

Au 1er janvier 1883, exigible le 1er janvier 1884, mais pouvant être payé plus tôt, soit lorsque la commune acquéresse aura réalisé l’emprunt qu’elle est autorisée à contracter pour éteindre cette dette.

12 juillet 1885 : acquisition de vieux chalets
…prient Mr le Préfet autorisation d’acquérir les vieux chalets de montagne du Haut de Fier et du communal adjacent..

? (retrouver début)

Chalet ( ?) qui était entouré de toutes parts par les pâturages communaux de Manigod.

(cadastre section C n° 153 et 154)

Acquis par acte du 15 février 1911 (Mtre Denarié notaire à Thônes)

Par testament du 5 juillet 1884 (Mtre Favre notaire à Thônes, par lequel Veyrat Seran Emmanuel ( ?), feu Jean, avait légué la dite construction à Mme Josserand née Avettand Raffin( ?)

23 octobre 1921 : enquête préliminaire par laquelle le Conseil municipal de Manigod demande l’autorisation d’acquérir 3 chalets situés sur les pâturages communaux de Tardevant, pour le prix global de 9400 Frs.

Avis du commissaire enquêteur : considérant que la commune, en faisant l’acquisition des chalets dont il est question fait une opération qui deviendra d’un rapport très important par la suite et qu’elle acquiert les chalets dans de très bonnes conditions.

… avis favorable..

…l’acquisition des 3 chalets de Tardevant lui permettra d’améliorer la montagne pastorale de ce lieu et de la louer un fort prix, d’où nécessité d’acheter ces trois bâtiments. La dépense en résultant sera largement recouvrée dans l’avenir par la plus value de la location que la commune retirera de la montagne de Tardevant.

(chalets appartenant à Fillion-Robin Jean, Fillion-Robin Léopold Marius, Veyrat-Delachenal Louis).

28 décembre 1929 : achat du chalet de la Blonnière

Josserand Eugène et Avettand Raffin

Mr le Président expose que les pâturages communaux de la Blonnière ont été mis en adjudication publique et loués le 22 avril 1928, mais qu’il n’existe aucun chalet appartenant à la commune pour abriter les exploitants.

(Acheté pour la somme de 1500 frs)