Blog du Patrimoine de Manigod

L’histoire (connue) de l’église Saint Pierre de Manigod

L’histoire de l’Église de Manigod vous est contée ci-dessous.

Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de Manigod, il semble que l’existence d’une chapelle au village ait toujours été mentionnée et ce, sur le même emplacement qu’actuellement.

Cependant, les écrits la concernant ne remontent qu’à 1414, à l’occasion de la visite pastorale de Mgr Bertrand, évêque de Genève.
Quant au plus ancien registre de la paroisse, il date de 1567, année de naissance de St François de Sales, lequel fera sa propre visite en l’an 1607.

LES GRANDES DATES

1020 : Premières traces certaines de l’existence de Manigod.

La famille de Chevron de Villette, d’où sont issus le pape Nicolas II, trois archevêques de la Tarentaise et un évêque de la Cité d’Aoste, est propriétaire des terres. Ce fief est partagé en 1447 avec la famille d’Arenthon d’Alex, les droits féodaux passent en 1610 aux Comtes de Reydet qui les cèdent plus tard aux Comtes de la Barre.

En 1762, ceux-ci vendent leur seigneurerie au notaire François Missillier, de Thônes, qui lui-même la revend à la Commune le 31 décembre 1766.

Le 4 juin 1776, Manigod devient commune à part entière, confirmé par lettre patente signée le 23 janvier 1778 par Victor Aimé, roi de Sardaigne.

1687 : Construction de la nouvelle église.

L’histoire de l’église actuelle commence vraiment le 9 juin 1687, à l’occasion de la 3ème visite pastorale de Mgr d’Arenthon d’Alex, où décision est prise de construire une nouvelle église. Jusque là, l’église était constituée d’un bâtiment en bois, au sol de terre battue, dont l’état laissait beaucoup à désirer.

Le choix du lieu de construction a été l’occasion d’une grande polémique. Une majorité, dont le curé Fichet, optait pour le lieu dit «Le Crêt», alors qu’une minorité très forte fit basculer la décision en faveur de l’emplacement actuel. Ce qui fait dire à M. Vittoz, dans ses mémoires : «c’est ainsi que l’église est placée sur une espèce de précipice où nous la voyons et où elle est dérobée à la plus grande partie de la paroisse». L’inconvénient de déplacer le cimetière entourant l’ancienne église a certainement pesé lourd dans la décision.

Selon une légende, il avait été décidé de construire la nouvelle église au Crêt (à l’emplacement du groupe scolaire Pierre Bozon-Leydier). Mais la pierre angulaire fut retrouvée plusieurs fois à l’emplacement de l’ancienne église, de sorte que le Conseil décida la construction à son emplacement actuel.

1688 – 1690 : Construction de l’église en « dur ».

En 1688, la population est de 1 500 habitants environ. Elle approchait les 1 600 en 1630 où une grande épidémie de peste fit périr près de 400 personnes.

14 mars 1688 : Bénédiction de la pierre fondamentale.

Pendant l’automne de 1687 et l’hiver suivants, les matériaux de construction furent rassemblés avec tant d’activité que, le 14 mars 1688, la pierre fondamentale fut bénie.

Environ deux ans furent consacrées à la construction de cette église ; de sorte qu’elle fut achevée l’an 1690. Dixit M.Vittoz dans ses mémoires : « Les personnes de l’art pensent que, parmi les églises paroissiales de la campagne, il y en avait alors bien peu qui fussent plus belles que celle de Manigod. »

1703 : Consécration par Mgr Michel-Gabriel de Roussillon de Bernex.

Lors de sa visite pastorale du 4 août 1703, Mgr Michel-Gabriel de Roussillon de Bernex consacre l’église. Celle-ci comporte un maître-autel et 4 chapelles intérieures : Notre-Dame de Grâces, St-Jean l’Évangéliste, St-Antoine et St-Esprit/St Jacques (il y en avait 6 dans l’ancienne). Dans le clocher, il y a 3 cloches, dont la plus petite s’y trouve encore; les autres ont été récupérées par les révolutionnaires en 1793.

1718 : Dotation du premier retable en bois

Cette construction eut lieu en 1718. Il y avait vingt-huit ans qu’on célébrait la sainte messe au maître-autel, lorsqu’il fut possible aux paroissiens de faire les sacrifices à ce nécessaires ; tant ils avaient été épuisés par les grandes dépenses que leur avait occasionnées la construction de l’église.

L’entreprise en fut donnée à Marin, de Faverges, par le Rd Fichet, curé, le Rd J.-F. Bernard de la Chenale, le notaire C. Burgat et le sieur Maurice Veyrat, de Joux, agissant tant en leur nom, qu’au nom de tous les autres paroissiens. La somme qui fut stipulée s’élevait à 1200 florins ; pour y faire face, on ouvrit dans la paroisse, une souscription dont le produit fut de quinze vaches, six génisses, deux bœufs, un veau, douze chèvres et vingt-huit moutons ou brebis. Le capital de ces divers animaux équivalait à peine aux 1200 florins promis à l’entrepreneur. L’entrepreneur se trouvant en perte, il fallut faire une 2e collecte dans la paroisse, pour le dédommager ; cette cueillette produisit 404 florins, auxquels M. le curé en ajouta 34, soit 438 florins en tout.

1804 : Remplacement du retable

En 1804, le premier retable tombait en ruine. Le maire de Manigod (Aimé Cohendet) et le vicaire de Manigod (M. l’abbé Gurcel) durent faire une nouvelle collecte pour récupérer les fonds nécessaires.

Le nouveau retable fut confié à l’entreprise Joseph Gilardi (originaires de la Valsesia, vallée entre Milan et Turin), qui avait construit celui de l’église St-Nicolas à St-Nicolas-la-Chapelle.

Ce retable n’existe plus.

1830 : Le clocher s’élève d’un étage

Dans les années 1830, la commune fait élever la tour du clocher d’un étage et y fait placer une flèche.

Pourquoi ? Pour que le clocher soit visible de plus loin et ainsi, atténuer la polémique créée par le choix de l’emplacement de l’église en 1687 ? Pour que les cloches résonnent davantage dans tous les hameaux de la paroisse ?

Cette dépense coûta environ 3000 francs.

1886 – 1887 : Agrandissement de l’église

En 1886-1887, l’église est agrandie de la nef actuelle (voir plan ci-contre).

L’ancien clocher-bulbe (en bois) est remplacé par un clocher en dur, à son emplacement actuel. Le plan carré de sa base devient octogonal en partie haute et se coiffe d’un dôme en forme d’ogive.

Pourquoi n’a-t-on pas reconstruit le clocher à son ancien emplacement ? Pour que les cloches résonnent davantage dans tous les hameaux de la paroisse ? Pour que les habitants du presbytère soient moins dérangés par le bruit des cloches toutes proches ?

Pourquoi n’a-t-on pas conservé l’ancienne forme, celle qui existe à Thônes, St-Jean-de-Sixt, La Clusaz, Grand-Bornand ?

Consacrée par Mgr Isoard, le 14 juin 1888, l’église est placée sous le vocable de St-Pierre, le titulaire étant St-Christophe de Lycie (martyr en l’an 250, Asie Mineure).

1911 : Harmonium

En 1911, un harmonium «Dumont-Lelièvre» est installé sur la tribune située dans le chœur. Il est orné d’un buffet décoré de tuyaux factices, en bois.
Temporairement, cet harmonium fut installé sur l’estrade au fond de l’église. Aujourd’hui, il a repris son emplacement initial.

Depuis 1996, son emploi a été abandonné au profit de l’orgue.

1985 – 1987 : Restauration complète de l’édifice.

En 1985-1987, de nombreux travaux sont effectués :

  • assèchement des soubassements,
  • reprise des réseaux électriques, restauration des vitraux,
  • réaménagement de la sacristie et du vestibule,
  • réfection complète de la décoration intérieure du style Sarde, à l’identique (en particulier, les voûtes retrouvent leur couleur bleue originelle),
  • déplacement des fonds baptismaux vers l’autel de la Vierge,
  • transfert de la chaire du deuxième pilier de la nef,
  • réintégration de l’harmonium à son emplacement d’origine (après un déplacement de plusieurs années sur la tribune située au fond de l’église).

Au cours de ces travaux, on découvre d’anciennes fresques décorant les autels originaux (non apparents) et une croix de consécration très bien conservée et remise en valeur (voir photo ci-contre).

L’inauguration a lieu en mai 1987.

1994 – 1995 : Modification du parvis.

En 1994-1995, le parvis est modifié : reprise du dessin de celui du XIXième siècle, intégration de l’escalier d’accès et représentation de l’effigie de St-Pierre, sur le fronton.

1996 : Installation d’un orgue à tuyaux
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En 1991, le projet de construction d’un orgue neuf est lancé conjointement par la Commune et la Paroisse. Une commission « orgue » comportant des représentants de ces deux parties plus de la Chorale et deux conseillers techniques est constituée pour l’étude et le suivi du projet.
En 1994, après avoir obtenu l’accord de la commission nationale des orgues non classés, avoir satisfait à toutes les exigences administratives et trouvé le financement, la construction est lancée. Ce sera un orgue de style italien, de 22 jeux, orné d’un buffet en noyer sculpté, construit entièrement par Monsieur Barthélémy Formentelli, facteur d’orgues près de Vérone (Italie). Plus d’informations sur cet orgue.

Il a été inauguré, puis béni par Monseigneur Hubert Barbier, évêque d’Annecy, le 30 juin 1996.

Des visites et des concerts (orgue seul, orgue & instruments, orgue & chanteur/groupes vocaux, . . . ) sont régulièrement organisés par l’association Campanelli. Voir le calendrier de ces concerts sur le site de l’association « Campanelli » et sur le site de l’Office de Tourisme de Manigod.

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Particularités architecturales

L’église St-Pierre de Manigod, construite de 1688 à 1690 par Aimé Riondel, maître-d’œuvre de Samoëns, s’inscrit dans le grand courant de reconstruction des Églises paroissiales des hautes vallées alpines, des XVIIème et XVIIIème siècles.

Implantée au centre du village, cette église est au point de convergence des routes venant de Thônes, de l’Aiguille et du col de la Croix-Fry : situation symbolique du lieu principal de rassemblement de la population.

Extérieurement, cette église présente plusieurs particularités :

  1. Tout d’abord son implantation audacieuse sur un terrain très pentu, avec son entrée sur la façade avale, surplombant la route en contrebas. De ce fait, l’Église s’affirme très nettement lorsqu’on arrive à Manigod depuis Thônes ;
  2. C’est une des premières Églises savoyardes à avoir été construite selon le principe « d’Église-halle », principe très à la mode entre 1670 et 1720 : un seul toit à deux pans continus couvre la nef et les collatéraux. Souci de proportion, de meilleure protection par rapport à la neige, d’économie ? C’est probablement tout cela à la fois ;
  3. L’entrée située sur la façade avale est couverte d’un auvent, permettant aux fidèles, au sortir de la messe, de se retrouver, de discuter à l’abri de la pluie et de la neige ;
  4. La compacité du volume extérieur de ce type d’Église est renforcé, dans le cas présent, par l’absence de contreforts sur les murs gouttereaux.

Porte d’entrée : un encadrement en pierres apparentes finement taillées est surmonté d’un fronton constitué d’un linteau horizontal et des naissances d’un arc de décharge. La porte elle-même est le support d’une multitude de chardons sculptées en bas-relief.

Le passage de l’extérieur vers l’intérieur est marqué par deux éléments de transition successifs :

  1. L’auvent évoqué précédemment ;
  2. Sur la première travée, une tribune qui rabaisse le grand volume intérieur.

Passé cette travée, on découvre alors l’espace intérieur dans toute sa verticalité, le corps de l’Église. Malgré des dimensions réduites au sol, le volume parait important du fait de l’égalité de hauteur entre nef et collatéraux. C’est une des particularités et une des subtilités de « l’Église-halle ».

Pour sa part, le transept contribue encore à élargir le volume intérieur, en même temps qu’il sépare le chœur de la nef et le met en évidence.

L’ensemble est couvert d’une structure de pierres constitué de voûtes d’arêtes et d’arcs en plein-cintre, repris par des piliers cruciformes. L’ensemble est traité de façon sobre, entièrement enduit de portier de chaux.

La décoration intérieure est constituée de frises en trompe-l’œil.

En plus du maître autel, en maçonnerie et marbre, l’église comporte 2 autels latéraux : l’un dédié à Notre Dame de Grâces, offert par J-B. Veyrat-Charvillon (1894) et l’autre dédié au Sacré Cœur, offert par la paroisse (1899).

Les vitraux sont de Bessac (Grenoble).

Ceux du chœur datent de 1887. Derrière le maître-autel, St-Pierre et St-Christophe, les deux patrons de la paroisse, encadrent le Sacré-Cœur de Jésus.

Sur les côtés, de part et d’autre des patrons de la paroisse, sont représentées Ste-Catherine de Sienne et Ste-Odile.

Les vitraux des transepts représentent : à gauche, St-Roch et St-Antoine portant le tau (bâton se terminant par un T) et la clochette ; à droite, St-François de Sales et St-Jean l’Évangéliste.

Les vitraux de la nef datent de 1932. Sont représentés :

  • à gauche, la Cène, la Ste-Famille et l’apparition du Sacré-Cœur de Jésus à Ste-Marguerite-Marie ;
  • à droite, l’apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous à Lourdes, l’archange St-Gabriel terrassant le démon et le Christ crucifié prenant dans ses bras St-François d’Assise.

Les fonds baptismaux, en pierre taillée, sont vraisemblablement issus de l’église antérieure à 1687.

Les panneaux de la chaire représente les 4 évangélistes ; le dossier, le Bon Berger.

Le clocher abrite 4 cloches :

  1. une très grosse cloche (diamètre 120cm, masse 1050kg), fondue en 1877 par Paccard Frères. Elle est dédiée à la Ste-Vierge, St-Pierre, Ste-Louise de Savoie, Pie IX (pontife régnant) et St-Christophe (titulaire de la paroisse) ;
  2. une moyenne cloche (diamètre 95cm, masse 530kg), fondue en 1877 par Paccard Frères. Elle est dédiée à Ste-Anne, St-Joseph, St-François, Ste-Brigitte et St-Marc (pour être préservé des orages et des tempêtes) ;
  3. une petite cloche (diamètre 80cm, masse 350kg), fondue en 1879 par Paccard Frères. Elle est dédiée à la Ste-Famille, St-Guérin et St-Antoine (pour la conservation du bétail), à St-Léon le Grand et à son successeur Léon XIII pape régnant ;
  4. une petite cloche (diamètre 60cm, masse 120kg), fondue en 1770 par Louis Léonard. Cette cloche est issue de l’ancienne église. Elle servait à sonner le tocsin.

    Toutes les cloches sont électrifiées, sauf celle servant à sonner le tocsin.

Voir et entendre les cloches de Manigod

De jour comme de nuit, le clocher égrène les heures (à la N ième heure : 2 séquences de N coups) et les 1/2 heures (2 coups brefs). A 07h10, 11h50 et 19h10, c’est l’Angélus qui retentit.

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